Je me souviens d’avoir traversé un désert en vélo pour la première fois. Seul, dans un environnement infiniment grand sans trop d’attente et avec comme seuls compagnons fidèles mon vélo et ma mémoire pour le peu qu’il me reste ;). Ça m’avait donné le sentiment d’être très grand et tout petit à la fois. D’être là et ailleurs. D’être passé, présent et futur réunis dans un même temps. D’être si loin de ceux qui me sont si chers et d’en être si près dans la même seconde. D’être un peu sans temps, sans âge vraiment.
En arrivant dans le Hueco Tank Park au Texas, une femme m’a approché pour me demander certaines informations concernant le temps justement. Chacun ayant détecté un certain attribut québécois, nous nous sommes reconnus, avons évidemment ri un peu (comme tout Québécois qui se reconnaît) et pas la peine d’en dire plus long, les plans pour le souper étaient faits.
Nous avons ensemble passé deux soirées fantastiques à faire danser sur la juste-assez-petite table nos idées, voyages et passions sur les airs des triplettes de Belleville en sirotant la «Tecate» (bière locale). Lucette est retraitée de la polytechnique où elle a travaillé comme technicienne pendant plusieurs années. Sous ses airs discrets, elle cache une très grande armoire. Dans cette armoire sont rangés des centaines de livres de questionnements et de recherches. Je crois même qu’elle cache un petit Léonard là-dedans (De Vinci… Léonard c’est pour les intimes bien sûr). Tout ceci bien marié avec l’humilité et l’humour qu’on aime tous rencontrer quand on les croise. Je sens encore ses courts bras infinis faire tout le tour de ma personne lorsqu’on s’est quitté. Juste une forme toute simple d’amour pur. Une accolade qui aurait pu souder bien des frontières ou vous refaire votre Darfour. Elle a beau être petite, elle est bien grande moi je trouve.
Guy, lui, a eu plusieurs vies. Plusieurs vies, toutes construites, de près ou de loin, autour de sa machine préférée : le vélo. Jeune, il raconte avoir travaillé comme livreur dans Rosemont. Un livreur qui un jour subit un grave accident et sûrement tomba la tête première dans un immense baril… de curiosité. Je crois qu’il ne s’en est jamais vraiment remis le pauvre. Guy aime beaucoup de choses et ce que Guy aime… il vous le fait aimer. C’est quand même une grande qualité de pouvoir transmettre son amour, sinon son intérêt pour les choses. Grand amateur de voile aussi, je lui ai fait promesse de l’inclure, lui et ses «potes» de voile comme équipiers dans la prochaine aventure du Runaway en échange de quelques portions de Jambalaya qu’il exécute avec la précision d’un Louisianais de quatrième génération.
Guy et Lucette font parti de ces gens que vous rencontrez toujours, mais rarement et qui alimentent votre flamme sans le savoir cette flamme qui produit l’inspiration nécessaire à continuer de réinventer votre propre vie. Inspiration qui vous fait réaliser votre liberté… Guy et Lucette sont grands et petits à la fois, sont sans temps. Ils sont sans âge vraiment. Guy et Lucette disent qu’ils n’ont pas d’enfants… moi je dis qu’ils en ont cent.
Guy et Lucette sont partis du Québec en novembre et rentreront vers le début du mois de mai. Ils ont descendu toute la côte Atlantique jusqu’à la Floride pour ensuite mettre le cap sur le Golf du Mexique. Ils sont maintenant au Texas après s’être arrêtés au moins une heure en Louisiane pour aller saluer et entendre les histoires que la mère de Zachary Richard, qu’ils ne connaissaient pas, avait à raconter…
